Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/458

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dant quatre heures de marche. Le pays, comme tous les pays de frontières, devient aride, inculte et désert. Nous gravissons, vers midi, des coteaux stériles, d’où nous découvrons enfin Belgrade à nos pieds. Belgrade, tant de fois renversée par les bombes, est assise sur une rive élevée du Danube. Les toits de ses mosquées sont percés ; les murailles sont déchirées ; les faubourgs, abandonnés, sont jonchés de masures et de monceaux de ruines ; la ville, semblable à toutes les villes turques, descend en rues étroites et tortueuses vers le fleuve. Semlin, première ville de la Hongrie, brille de l’autre côté du Danube avec toute la magnificence d’une ville d’Europe : les clochers s’élèvent en face des minarets. Arrivés à Belgrade, pendant que nous nous reposons dans une petite auberge, la première que nous ayons trouvée en Turquie, le prince Milosch m’envoie quelques-uns de ses principaux officiers pour m’inviter à aller passer quelques jours dans la forteresse où il réside, à quelques lieues de Belgrade ; je résiste à leurs instances, et je commande les bateaux pour le passage du Danube. À quatre heures, nous descendons vers le fleuve. Au moment où nous allions nous embarquer, je vois un groupe de cavaliers, vêtus presque à l’européenne, accourir sur la plage : c’est le frère du prince Milosch, chef des Serviens, qui vient de la part de son frère me renouveler ses instances pour m’arrêter quelques jours chez lui. Je regrette vivement de ne pouvoir accepter une hospitalité aussi obligeamment offerte ; mais mon compagnon de voyage, M. de Capmas, est gravement malade depuis plusieurs jours ; on le soutient à peine sur son cheval : il est urgent pour lui de trouver le repos et les ressources qu’offrira une ville européenne et les secours des médecins d’un lazaret. Je cause une demi-heure