Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/53

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mais réveiller un mort, c’étaient de pareilles paroles murmurées par une pareille bouche !

À deux pas de cette femme, sous un morceau de toile noire soutenu par deux roseaux fichés en terre pour servir de parasol, ses deux petits enfants jouaient avec trois esclaves noires d’Abyssinie, accroupies, comme leur maîtresse, sur le sable que recouvrait un tapis. Ces trois femmes, toutes les trois jeunes et belles aussi, aux formes sveltes et au profil aquilin des nègres de l’Abyssinie, étaient groupées dans des attitudes diverses, comme trois statues tirées d’un seul bloc. L’une avait un genou en terre, et tenait sur l’autre genou un des enfants qui tendait ses bras du côté où pleurait sa mère ; l’autre avait ses deux jambes repliées sous elle et ses deux mains jointes, comme la Madeleine de Canova, sur son tablier de toile bleue ; la troisième était debout, un peu penchée sur ses deux compagnes, et, se balançant à droite et à gauche, berçait contre son sein, à peine dessiné, le plus petit des enfants, qu’elle essayait en vain d’endormir. Quand les sanglots de la jeune veuve arrivaient jusqu’aux enfants, ceux-ci se prenaient à pleurer ; et les trois esclaves noires, après avoir répondu par un sanglot à celui de leur maîtresse, se mettaient à chanter des airs assoupissants et des paroles enfantines de leur pays, pour apaiser les deux enfants.

C’était un dimanche : à deux cents pas de moi, derrière les murailles épaisses et hautes de Jérusalem, j’entendais sortir par bouffées, de la noire coupole du couvent grec, les échos éloignés et affaiblis de l’office des vêpres. Les hymnes et les psaumes de David s’élevaient après trois mille ans,