Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/59

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sur les côtes de Syrie : quand la mer est calme, le pêcheur n’y découvre rien ; la vague ne devient transparente qu’en se dressant au soleil à la surface de la mer.

L’odeur infecte des champs de bataille nous annonçait le voisinage d’Acre ; nous n’étions plus qu’à un quart d’heure de ses murs. C’est un monceau de ruines ; les dômes des mosquées sont percés à jour, les murailles crénelées d’immenses brèches, les tours écroulées dans le port ; elle venait de subir un siége d’un an, et d’être emportée d’assaut par les quarante mille héros d’Ibrahim.

On connaît mal en Europe la politique de l’Orient : on lui suppose des desseins, elle n’a que des caprices ; des plans, elle n’a que des passions ; un avenir, elle n’a que le jour et le lendemain. On a vu dans l’agression de Méhémet-Ali la préméditation d’une longue et progressive ambition ; ce ne fut que l’entraînement de la fortune, qui, d’un pas à l’autre, le mena presque involontairement jusqu’à ébranler le trône de son maître et à conquérir une moitié de l’empire : une chance nouvelle peut le conduire plus loin encore.

Voici comment la querelle naquit : Abdalla, pacha d’Acre, jeune homme inconsidéré, passé au gouvernement d’Acre par un jeu de la faveur et du hasard, s’était révolté contre le Grand Seigneur ; vaincu, il avait imploré la protection du pacha d’Égypte, qui avait acheté sa grâce du divan. Abdalla, oubliant bientôt la reconnaissance qu’il devait à Méhémet, refusa de tenir certaines conditions jurées dans le temps de son infortune. Ibrahim marche pour