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l’y forcer ; il éprouve à Acre une résistance imprévue ; sa colère s’irrite : il demande à son maître des troupes nouvelles ; elles arrivent, et sont de nouveau repoussées. Méhémet-Ali se lasse, et rappelle son fils de tous ses vœux ; l’amour-propre d’Ibrahim résiste : il veut mourir sous les murs d’Acre, ou la soumettre à son père. Il enfonce enfin, à force d’hommes sacrifiés, les portes de cette ville. Abdalla, prisonnier, s’attend à la mort ; Ibrahim le fait venir sous sa tente, lui adresse quelques sarcasmes amers, et l’expédie à Alexandrie. Au lieu du cordon ou du sabre, Méhémet-Ali lui envoie son cheval, le fait entrer en triomphe, le fait asseoir à ses côtés sur le divan, lui adresse des éloges sur sa bravoure et sa fidélité au sultan, lui donne un palais, des esclaves, et d’immenses revenus.

Abdalla méritait ce traitement par sa bravoure : renfermé dans Acre avec trois mille osmanlis, il avait résisté un an à toutes les forces de l’Égypte par terre et par mer ; la fortune d’Ibrahim, comme celle de Napoléon, avait hésité devant cet écueil ; si le Grand Seigneur, en vain sollicité par Abdalla, lui avait envoyé quelques mille hommes à propos, ou avait seulement lancé sur les mers de Syrie deux ou trois de ces belles frégates qui dorment inutilement sur leurs ancres devant les caïques du Bosphore, c’en était fait d’Ibrahim : il rentrait en Égypte avec la conviction de l’impuissance de sa colère. Mais la Porte fut fidèle à son système de fatalité ; elle laissa s’accomplir la ruine de son pacha : le boulevard de la Syrie fut renversé, et le divan ne se réveilla que trop tard. Cependant Méhémet-Ali écrivait à son général de revenir ; mais celui-ci, homme de courage et d’aventures, voulut tâter jusqu’au bout la faiblesse du sul-