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plus longtemps possible parmi eux, et recueillent tout ce que disent ces hommes venus de loin, comme les envoyés de la Providence. Voici ce que j’ai recueilli sur leurs dernières années. Ce fut vers 1804 qu’à la suite de longs troubles suscités d’abord par Passwanoglou, pacha de Widni, et qui s’étaient terminés par la domination des janissaires ; ce fut déjà vers 1804 que les Serviens se révoltèrent contre leurs tyrans. Trois chefs se réunirent dans cette partie centrale de la Servie qu’on nomme la Schumadia, région immense, et couverte d’impénétrables forêts. Le premier de ces chefs était Kara-George ; les deux autres, Tanko-Kalisch et Wasso-Tcharapitsch. Kara-George avait été heiduk. Les heiduks étaient pour la Servie ce que les Klephtes étaient en Grèce, une race d’hommes indépendants et aventuriers, vivant dans des montagnes inaccessibles, et descendant au moindre signal de guerre pour se mêler aux luttes des factions, et s’entretenir dans l’habitude du sang et du pillage. Tout le pays s’insurgea, à l’exemple de la Schumadia ; chaque canton se choisit pour chef le plus brave et le plus considérable de ses weyvodes : ceux-ci, réunis en conseil de guerre, donnèrent à Kara-George le titre de généralissime. Ce titre lui conférait peu d’attributions ; mais le génie, dans les temps de troubles, donne bien vite à un homme audacieux la souveraineté de fait. Le danger ne marchande jamais avec le courage. L’obéissance est l’instinct des peuples envers l’audace et le talent.

George Petrowitsch, surnommé Kara ou Zrin, c’est-à-dire George le Noir, était né, vers 1765, dans un village du district de Kragusewats ; son père était un simple paysan laboureur et pasteur, nommé Pétroni. Une autre tradition