Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeu de sa part ; qu’il avait voulu éprouver mon courage, et voir comment je me défendrais. « Mais, ajouta-t-il, je vois que tu n’es encore qu’un enfant, puisque tu prends la chose ainsi. » Je répondis, en le couchant en joue, que s’il approchait d’un pas de plus, je tirerais sur lui. Me voyant déterminé à le faire, il s’enfuit à travers le désert, et moi je repris le chemin du village. Cependant Scheik-Ibrahim, le curé et Naufal, ne me voyant pas revenir, commençaient à s’inquiéter. Scheik-Ibrahim surtout, sachant bien que je ne m’éloignais pas ordinairement sans le prévenir, après deux heures d’attente fut chez le scheik, qui, partageant ses inquiétudes, mit tout le village à ma recherche. Enfin Naufal, m’apercevant, s’écrie : « Le voilà ! » Selim prétend qu’il se trompe. J’approche ; c’est à peine si l’on me reconnaît. M. Lascaris court à moi, et m’embrasse en pleurant. Je reste sans pouvoir parler ; on m’emmène chez le curé ; on lave mes blessures et on me met au lit ; enfin je retrouvai la force de raconter mon aventure. Selim envoya des cavaliers à la poursuite de l’assassin, chargeant son nègre du cordon qui devait l’étrangler ; mais ils revinrent sans avoir pu l’atteindre, et nous apprîmes bientôt qu’il était entré au service du pacha de Damas. Depuis lors, il ne reparut plus à Coriétain.

Au bout de quelques jours, mes blessures commencèrent à se fermer, et j’eus promptement repris mes forces. Scheik-Selim, qui avait conçu pour moi une grande amitié, m’apporta un jour une lunette d’approche dérangée, me disant que je serais un habile homme si je parvenais à la raccommoder. Comme il n’y avait qu’un verre à replacer, je l’arrangeai et la lui reportai. Il fut si content