Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/188

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Bédouins faisaient des vœux pour qu’Allah me fît recouvrer mon argent, et Wardi lui-même prit beaucoup plus d’intérêt à mon voyage, depuis qu’il en comprenait l’importance.

Après avoir passé la journée à examiner la tribu Beney-Tay, nous partîmes le lendemain bien escortés, et rien d’intéressant ne nous arriva pendant notre marche. Nous vîmes le soleil couchant du troisième jour dorer les cinq mille tentes du drayhy, qui couvraient la plaine aussi loin que la vue pouvait s’étendre. Entouré de chameaux, de chevaux, de troupeaux, qui cachaient le sol, jamais je n’avais vu un tel spectacle de puissance et de richesse. — La tente de l’émir au centre avait cent soixante pieds de long. — Il me reçut très-poliment, et, sans aucune question, me proposa de souper avec lui. Après souper, il me dit : « D’où venez-vous ? où allez-vous ? » Je lui répondis comme je l’avais fait aux Bédouins de l’Euphrate. « Vous êtes le bienvenu, reprit-il alors ; votre arrivée répand mille bénédictions. S’il plaît à Dieu, vous réussirez ; mais, selon notre coutume, nous ne pouvons parler d’affaire qu’après trois jours accordés à l’hospitalité et au repos. » Je fis les remercîments d’usage et me retirai. — Le lendemain, j’expédiai Wardi à M. Lascaris.

Le drayhy est un homme de cinquante ans, grand et d’une belle figure, ayant une petite barbe toute blanche ; son regard est fier ; il est considéré comme le plus capable des chefs de tribus ; il a deux fils, Zaër et Sahdoun ; ils sont mariés, et habitent la même tente que lui. Sa tribu, appelée El-Dualla, est nombreuse et fort riche. — Le hasard me servit merveilleusement dès les premiers jours de mon arri-