Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/187

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l’autre rive, et retourna chercher ses habits. Je voulais me reposer, mais il me dit qu’il ne serait pas prudent de s’arrêter dans un endroit où la rivière était guéable. En effet, nous n’avions pas marché une demi-heure, que nous vîmes s’approcher de la rivière cinq cents Bédouins bien montés, allant du levant au couchant. Ayant trouvé un buisson, nous y établîmes notre halte jusqu’au soir. — La sixième nuit nous amena à quelques heures de l’Euphrate ; le septième jour, le plus difficile était fait ; et si je n’avais pas tant souffert de mes pieds, j’aurais pu oublier toutes mes fatigues au spectacle du soleil levant sur les bords de ce fleuve magnifique.

Des Bédouins hospitaliers, dont l’occupation est de faire passer d’un bord à l’autre, nous conduisirent dans leurs tentes, où, pour la première fois, nous fîmes un bon repas. Nous prîmes des informations sur le drayhy. Il était à trois jours de distance entre Zaïte et Zauer. — Il avait fait la paix avec l’émir Fahed, lui imposant un tribut ; on me parla beaucoup de ses talents militaires et de son courage redoutable, de son intention d’anéantir Mehanna et Nasser, et de retourner à son désert près Bassora et Bagdad. Ces détails étaient tels que je pouvais le désirer : je fis tout de suite mon plan. — Je demandai un guide pour me conduire chez le drayhy, disant aux Bédouins que j’étais négociant d’Alep, ayant un correspondant à Bagdad qui me devait vingt-cinq mille piastres, et qui venait de faire faillite ; que la guerre entre les Bédouins ayant intercepté les communications, je n’avais eu d’autres ressources que de m’aventurer seul, et d’aller me mettre sous la protection du drayhy pour arriver à Bagdad, où toute ma fortune était compromise. Ces bons