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jusqu’aux frontières de l’Inde. C’est à vous de négocier cette affaire par amitié, par menace, ou par astuce ; il faut que cela s’accomplisse. »

« Vous me donnez là une charge bien difficile, répondis-je. Chaque tribu a son chef ; ils sont ennemis de la dépendance, jamais ils ne se sont soumis à aucun joug ; je crains, si vous vous engagez dans une pareille affaire, qu’il ne vous arrive quelque chose de fâcheux. »

« Cependant il le faut absolument, reprit M. Lascaris ; mettez-y toute votre capacité ; sans cela nous ne pouvons réussir à rien. »

Je réfléchis longtemps aux moyens d’entamer cette affaire. Le premier point était d’inspirer aux Bédouins une haute idée de Scheik-Ibrahim ; et pour y parvenir, comme ils sont superstitieux et crédules à l’excès, nous préparâmes des expériences chimiques avec du phosphore et de la poudre fulminante, espérant les étonner. Effectivement, le soir, lorsque les principaux de la tribu furent réunis sous la tente du drayhy, Scheik-Ibrahim, d’un air majestueux et avec une adresse extrême, produisit des effets qui les frappèrent d’admiration et de stupeur. Dès ce moment il fut pour eux un sorcier, un magicien, ou plutôt une divinité.

Le lendemain, le drayhy m’appela, et me dit : « Ô Abdallah, votre maître est un dieu ! — Non, répondis-je, mais bien un prophète ; ce que vous avez vu hier n’est rien auprès du pouvoir qu’il a acquis par sa profonde science ; c’est un homme unique dans ce siècle. Sachez