Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/204

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camp dans une agitation inaccoutumée ; et tout ce mouvement, exécuté par des femmes, offrait le coup d’œil le plus original possible. Le soir, tout le monde fut au-devant de l’armée victorieuse, dont on apercevait la poussière s’élever dans le lointain. Dès que nous la rencontrâmes, les cris redoublèrent ; les joutes, les courses, les coups de fusil, et toutes les démonstrations possibles de joie, l’accompagnèrent jusqu’au camp. Après le repas, nous nous fîmes raconter les exploits des guerriers.

Les Wahabis étaient commandés par un nègre redoutable, à moitié sauvage, nommé Abou-Nocta. Lorsqu’il se prépare au combat, il ôte son turban et ses bottes, relève ses manches jusqu’aux épaules, et laisse presque nu son corps, qui est d’une grosseur et d’une force musculaire prodigieuses ; sa tête et son menton, n’ayant jamais été rasés, sont ombragés d’une chevelure et d’une barbe noire qui couvrent sa figure tout entière ; ses yeux étincellent sous ce voile, et tout son corps velu rend son aspect aussi étrange qu’effrayant. Le drayhy le rejoignit à trois jours de Palmyre, sur un terrain appelé Heroualma. Le combat fut acharné de part et d’autre, mais se termina par la fuite d’Abou-Nocta, qui partit pour le pays de Neggde, laissant deux cents des siens sur le champ de bataille. Le drayhy fit chercher parmi les dépouilles tout ce qui avait été pris à la tribu Would-Ali, et le lui rendit. Cet acte de générosité lui concilia de plus en plus l’affection des autres tribus, qui venaient, chaque jour, se mettre sous sa protection. Le bruit de cette victoire remportée sur le terrible Abou-Nocta se répandit partout. Soliman-Pacha envoya au vainqueur une pelisse d’honneur et un sabre magnifique, en le faisant complimenter. Peu