Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/212

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nom vint celui de El-Ollama, qui signifie savant, dénomination que la tribu justifie toujours.

À mesure que nous avancions vers Bagdad, notre traité était de jour en jour couvert d’un plus grand nombre de signatures.

En quittant El-Rané, nous allâmes camper à Ain-el-Oussada, près de la rivière El-Cabour. Pendant notre séjour en cet endroit, un courrier, expédié par le drayhy au scheik Giaudal, chef de la tribu El-Wualdi, ayant été fort mal reçu, revint, porteur de paroles offensantes pour le drayhy. Ses fils voulaient en tirer vengeance sur-le-champ. Scheik-Ibrahim s’y opposa, leur représentant qu’il serait toujours à temps de faire la guerre, et qu’il fallait auparavant essayer de la persuasion. Je proposai à l’émir d’aller moi-même trouver Giaudal pour lui expliquer l’affaire. Il commença par s’y refuser, en disant : « Pourquoi prendriez-vous la peine d’aller chez lui ? Qu’il vienne lui-même, ou mon sabre l’y contraindra. » Mais à la fin il céda à mes arguments, et je partis, escorté de deux Bédouins. Giaudal me reçut avec colère ; et lorsqu’il sut qui j’étais, il me dit : « Si je vous avais rencontré ailleurs que chez moi, vous n’auriez plus mangé de pain ; rendez grâces à nos usages qui me défendent de vous tuer. — Les paroles ne tuent pas l’homme, répondis-je. Je suis votre ami ; je ne veux que votre bien, et viens vous demander un entretien secret. Si ce que j’ai à vous dire ne vous satisfait pas, je reprendrai le chemin par lequel je suis venu. » Me voyant ainsi de sang-froid, il se leva, appela son fils aîné, et me conduisit hors des tentes.