Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/216

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homme, parent de Sahen, fut rapporté ayant la tête fendue d’un coup de djérid, sept blessures de sabre dans le corps, et une lance qui lui restait dans les côtes. On procéda immédiatement à extirper la lance, qui sortit par le côté opposé ; — pendant l’opération, il se tourna vers moi et me dit : « Ne sois pas en peine de moi, Abdallah ; je n’en mourrai pas. » Et étendant sa main, il prit ma pipe, et commença à fumer tranquillement, comme si les neuf blessures béantes étaient dans un autre corps.

Au bout de vingt jours il était complétement guéri, et montait à cheval comme auparavant. Pour tout traitement on lui avait donné à boire du lait de chameau, mêlé avec du beurre frais ; et pour toute nourriture, quelques dattes également préparées au beurre. — Tous les trois jours on lavait ses blessures avec de l’urine de chameau. — Je doute qu’un chirurgien européen, avec tout son appareil, eût obtenu une si complète guérison en aussi peu de temps.

La guerre devenait de jour en jour plus sérieuse ; Abedd réunissait ses alliés pour nous entourer, ce qui nous força d’aller camper dans les sables de Cafférié, où il n’y a point d’eau. Les femmes étaient obligées d’aller en chercher jusqu’au fleuve, dans des outres chargées sur des chameaux. — La grande quantité nécessaire pour abreuver les troupeaux rendait ce travail extrêmement pénible. — Au bout de trois jours, les bergers effarés vinrent nous avertir que huit cents chameaux avaient été enlevés par les guerriers d’Abedd, pendant qu’ils les conduisaient à la rivière. Le drayhy, pour se venger de cet outrage, ordonna de lever le camp, et d’avancer rapidement sur la tribu El-Cherarah,