Ce premier succès rassura les courtisans, qui avaient entendu avec terreur les paroles hardies du drayhy, et s’étonnaient de la manière dont le tyran les avait supportées. Ils commencèrent à se rapprocher de nous, et Abou-el-Sallem nous fit dîner chez lui. Cependant je n’étais pas très-rassuré pour mon compte ; je pensais à la vérité qu’Ebn-Sihoud n’oserait pas pousser les choses aux dernières extrémités avec le drayhy, mais je craignais qu’il ne vînt à rejeter les torts sur mes conseils, et à me sacrifier, moi, obscur giaour, à son ressentiment. Je fis part de mes craintes au drayhy, qui me rassura en jurant qu’on n’arriverait à moi qu’en passant sur son cadavre, et que je sortirais le premier des portes de Darkisch.
Le lendemain, Ebn-Sihoud, nous ayant fait appeler, nous reçut très-gracieusement, et fit apporter le café. Bientôt il se mit à questionner le drayhy sur les personnes qui l’accompagnaient. Voici mon tour qui arrive, pensai-je ; et le cœur me battit un peu. Je me remis cependant ; et lorsque le drayhy m’eut nommé, le roi, se tournant vers moi :
« C’est donc vous, dit-il, qui êtes Abdallah le chrétien ? »
Et sur ma réponse affirmative :
« Je vois, continua-t-il, que vos actions sont beaucoup plus grandes que votre personne.
» — La balle d’un fusil est petite, lui dis-je ; elle tue pourtant de grands hommes. »
Il sourit.