Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/31

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politique habile, préfère cet état de choses à une guerre nouvelle et prématurée. Le peuple lui sait gré de cette paix, qui lui permet tous les développements de la civilisation intérieure. Il ne craint rien pour son indépendance réelle. Tous les habitants sont armés, et occupent l’intérieur du pays, les villes et les villages. Le pacha réside à Belgrade ; Milosch, quelquefois à Belgrade, quelquefois dans son château à un mille de cette ville, plus souvent à Kraguzewatz. Là, il est isolé des Turcs, et occupe le point le plus central de la Servie. La nature du pays et son attitude guerrière le mettent à l’abri de toute surprise.

Le prince Milosch est âgé de quarante-neuf ans. Il a deux fils, dont l’aîné a douze ans.

Les destinées futures de l’empire ottoman décideront de l’avenir de cette famille et de ce peuple ; mais la nature semble l’appeler à une puissante participation aux grands événements qui se préparent dans la Turquie d’Europe comme dans l’empire d’Asie. Les chants populaires, que le prince fait répandre parmi le peuple, lui font entrevoir, dans un prochain avenir, la gloire et la force de la Servie, et de son ancien roi héroïque Étienne Duschan. Les exploits aventureux de ses heiduks passent de bouche en bouche, et font rêver au Servien la résurrection d’une nation slave, dont il a conservé le germe, la langue, les mœurs et les vertus primitives, dans les forêts de la Schumadia.

Le voyageur ne peut, comme moi, s’empêcher de saluer ce rêve d’un vœu et d’une espérance ; il ne peut quitter, sans regrets et sans bénédictions, ces immenses forêts