Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Syrie, dont j’avais appris par lui les mœurs, le dénombrement et l’histoire. Je m’intéressai aux héros de cette chevalerie sauvage ; je voulais savoir la fin de leurs romans et de leur épopée, et personne autre que leur ancien hôte ne pouvait me la dire, car le désert garde le silence sur son histoire ; le sphinx est toujours sa divinité ; les mouvements, les guerres, les révolutions de ses tribus nomades, ne laissent pas plus de traces sur sa poussière que le vol, les combats et les migrations des oiseaux du ciel dans l’atmosphère.

Fatalla avait eu la fortune rare, pour un voyageur, de repasser par les sentiers de sa jeunesse. Il répondit à mes questions avec la prolixité voluptueuse d’une mémoire qui se rajeunit en s’épanchant. J’extrais de ces longues causeries quelques fragments qui m’ont semblé les épisodes naturels de son voyage, et je les transcris en leur conservant cette simplicité de ton et de récit qui est, pour ainsi dire, l’accent de la voix orientale.

Je demandai à Fatalla s’il avait revu les tribus dont il avait été l’hôte, le frère d’armes et le diplomate ; et surtout ce drayhy que ses récits avaient grandi, dans mon imagination, à la hauteur des héros fabuleux d’Antar.

« Depuis 1830, me répondit-il, je voyageais comme drogman ou comme interprète à la suite des voyageurs et des négociants européens. En 1843, je fis un dernier voyage : je devais aller jusqu’à Hama. C’était en été, la saison où les Arabes du désert viennent de Bagdad, de Bassora et même de Neggde, chercher les pâturages de