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Homs et de Hama. J’avais depuis longtemps comme le mal du pays du désert. Le désir de revoir les tribus dont j’avais mangé le pain et habité les camps me poursuivait sans cesse. Il y avait trente ans que je les avais quittées, et depuis aucune nouvelle ne m’en était parvenue. L’homme des villes n’a qu’une patrie ; le voyageur en a autant que de tentes plantées et de puits rencontrés dans le désert.

» Je partis donc un matin de Hama à la recherche de mes anciens hôtes. Au second jour de mon voyage, j’aperçois dans le lointain les tentes de la première tribu, reconnaissables pour moi aux couleurs et aux signes de leurs pavillons. Je presse le trot de mon chameau, j’entre dans le cercle du campement, je crie mon nom aux sentinelles, je me fais reconnaître des chefs : on m’entoure, on m’embrasse, on apporte le café de fête ; la tribu tout entière me reçoit comme un fils adoptif. Mais moi, je cherchais en vain des yeux mes souvenirs et mes images d’autrefois. La tribu avait vieilli comme un ami dont on a connu la jeunesse, et qu’on retrouve en cheveux blancs. Les anciens étaient morts, les jeunes gens étaient devenus des hommes, les hommes des vieillards.

» Quand les premiers saluts du retour furent échangés, les questions et les récits commencèrent. Je leur racontai la mort de Scheik-Ibrahim, et je leur demandai ce qu’était devenu mon ami et mon père d’autrefois, le grand scheik Drayhy-Ebn-Chahllan. À cette question, les visages de mes hôtes se froncèrent, et les femmes se mirent à pleurer. « Ah ! me dirent-ils, voila déjà bien longtemps que le drayhy est mort et qu’il a emporté avec lui l’âme de la