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du soir. La foule immense qui les enveloppa comme dans un embrassement populaire, les cris de Vive le roi ! Vive la reine ! Vive le Dauphin ! les chapeaux lancés en l’air, les gestes d’enthousiasme et de respect, leur firent un triomphe de cette même route où ils avaient passé, trois mois auparavant, au milieu des outrages de la multitude et du frémissement de la fureur publique. La nation semblait vouloir racheter ces jours sinistres, et montrer au roi combien l’apaisement du peuple était facile, et combien lui serait doux le règne de la liberté ! L’acceptation nationale des lois de l’Assemblée constituante fut la contre-épreuve de son ouvrage. Elle n’eut pas la légalité, mais elle eut véritablement la valeur d’une acceptation individuelle par les Assemblées primaires. Elle montra que le vœu de l’esprit public était satisfait. La nation vota d’acclamation ce que la sagesse de son Assemblée avait voté de réflexion. Rien ne manquait au sentiment public que la sécurité. On eût dit qu’il voulait s’étourdir lui-même par le délire de son bonheur, et qu’il rachetait, par l’excès même des manifestations de sa joie, ce qui lui manquait en solidité et en durée.

Le roi participait de bonne foi à ce mouvement général des esprits. Placé entre les souvenirs de tout ce qu’il avait souffert depuis trois ans et les orages qu’il entrevoyait dans l’avenir, il tâchait de se faire illusion à lui-même et de se persuader son bonheur. Il se disait que peut-être il avait méconnu l’opinion publique, et que s’étant remis enfin tout entier à la merci de son peuple, ce peuple respecterait en lui sa propre puissance et sa propre volonté ; il jurait, dans son cœur honnête et bon, la fidélité à la constitution et l’amour à cette nation qui l’aimait.

La reine elle-même rentra au palais avec des pensées