Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre, cet exercice des princes, n’avait pas pu le former au contact des hommes et à l’habitude du commandement. Les champs de bataille, qui sont le théâtre de ces grands acteurs, ne l’avaient jamais exposé aux regards de son peuple. Aucun prestige, excepté celui de sa naissance, ne jaillissait de lui. L’horreur qu’on avait pour son aïeul fit seule sa popularité. Il eut l’estime de son peuple, jamais sa faveur. Probe et instruit, il appela à lui la probité et les lumières dans la personne de Turgot. Mais, avec le sentiment philosophique de la nécessité des réformes, le prince n’avait que l’âme du réformateur : il n’en avait ni le génie ni l’audace. Ses hommes d’État pas plus que lui. Ils soulevaient toutes les questions sans les déplacer ; ils accumulaient les tempêtes sans leur donner une impulsion. Les tempêtes devaient finir par se tourner contre eux. De M. de Maurepas à M. Turgot, de M. Turgot à M. de Calonne, de M. de Calonne à M. Necker, de M. Necker à M. de Malesherbes, il flottait d’un intrigant à un honnête homme et d’un banquier à un philosophe ; l’esprit de système et de charlatanisme suppléait mal à l’esprit de gouvernement. Dieu, qui avait donné beaucoup d’hommes de bruit à ce règne, lui avait refusé un homme d’État ; tout était promesses et déception. La cour criait, l’impatience saisissait la nation, les oscillations devenaient convulsives : Assemblée des notables, états généraux, Assemblée nationale, tout avait éclaté entre les mains du roi ; une révolution était sortie de ses bonnes intentions, plus ardente et plus irritée qui si elle était sortie de ses vices. Aujourd’hui le roi avait cette révolution en face dans l’Assemblée nationale ; dans ses conseils aucun homme capable, non pas seulement de lui résister, mais de la comprendre. Les