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hommes vraiment forts aimaient mieux être les ministres populaires de la nation que les boucliers du roi au moment où nous sommes.


XI

M. de Montmorin était dévoué au roi, mais sans crédit sur la nation. Le ministère n’avait ni initiative ni résistance : l’initiative était aux Jacobins, et le pouvoir exécutif dans les émeutes. Le roi, sans organe, sans attributions et sans force, n’avait que l’odieuse responsabilité de l’anarchie. Il était le but contre lequel tous les partis dirigeaient la haine ou la fureur du peuple. Il avait le privilége de toutes les accusations. Pendant que, du haut de la tribune, Mirabeau, Barnave, Pétion, Lameth, Robespierre, menaçaient éloquemment le trône, des pamphlets infâmes, des journaux factieux peignaient le roi sous les traits d’un tyran mal enchaîné qui s’abrutissait dans le vin, qui s’asservissait aux caprices d’une femme qui conspirait au fond de son palais avec les ennemis de la nation. Dans le sentiment sinistre de sa chute accélérée, la vertu stoïque de ce prince suffisait au calme de sa conscience, mais ne suffisait pas à ses résolutions. Au sortir de son conseil des ministres, où il accomplissait loyalement les conditions constitutionnelles de son rôle, il cherchait, tantôt dans l’amitié de serviteurs dévoués, tantôt dans la personne de ses ennemis mêmes admis furtivement à ses confidences, des inspirations plus intimes. Les conseils succédaient aux