comte de Caraman, au nom de Louis XVI, s’étaient emparés de toutes les avenues de ce cabinet. Le comte de Goltz, ambassadeur de Prusse à Paris, avait informé sa cour de l’objet de la mission de M. de Ségur. Le bruit courait parmi les hommes bien informés que cet envoyé emportait quelques millions destinés à payer la faiblesse ou la trahison du cabinet de Berlin.
Les instructions supposées arrivèrent à Berlin deux heures avant M. de Ségur. Elles révélaient au roi tout un plan de séductions et de vénalités que l’agent de la France devait pratiquer sur ses favoris et sur ses maîtresses ; leur caractère, leur ambition, leurs rivalités, leurs faiblesses vraies ou supposées, les moyens d’agir par eux sur l’esprit du roi, y étaient notés avec la sécurité de la confidence. Il y avait un tarif pour toutes les consciences, un prix pour toutes les perfidies. L’aide de camp favori du roi, Bischof-werder, alors très-puissant, devait être tenté par des offres irrésistibles, et, dans le cas où sa connivence serait découverte, un splendide établissement en France devait le garantir contre toute éventualité.
On avait fait tomber ces instructions aux mains de ceux mêmes dont la fidélité devait être marchandée. Ils les remirent au roi avec l’assurance de consciences odieusement calomniées. Le roi rougit pour lui-même de l’empire qu’on attribuait à l’amour ou à l’intrigue sur sa politique. Il s’indigna de la fidélité tentée de ses serviteurs. Toute négociation fut ainsi déjouée avant l’arrivée du négociateur. M. de Ségur fut reçu avec une froide ironie. Frédéric-Guillaume affecta de ne pas lui parler à son cercle. Il demanda tout haut, devant lui, à l’envoyé de l’électeur de Mayence, des nouvelles du prince de Condé. L’envoyé lui