répondit que ce prince se rapprochait avec son armée des frontières de France : « Il fait bien, dit le roi, car il est sur le point d’y entrer. » M. de Ségur, accoutumé aux succès pendant son long séjour et sa faveur intime à la cour de Catherine, entraîna, dit-on, la comtesse d’Ashkof et le prince Henri de Prusse dans le parti de la paix. Il fit plus ; instruit enfin de l’existence dans le cabinet du roi de ces instructions supposées, il parvint à s’en faire livrer une copie et à en démontrer la fausseté au roi Frédéric-Guillaume. Ce succès même fut un piége pour sa négociation. D’autres intrigues l’emportèrent. Le roi, concertant sa conduite avec l’empereur, affecta quelque temps d’incliner vers la France, de se plaindre des exigences de l’émigration, et de caresser l’ambassadeur. Celui-ci crut à ces démonstrations, et rassura le cabinet français sur les intentions de la Prusse. Mais la disgrâce subite de la comtesse d’Ashkof, et les offres d’alliance avec la France injurieusement repoussées, déconcertèrent les efforts et renversèrent les espérances de M. de Ségur. Il demanda son rappel. La perspective des malheurs de son pays et de la combustion de l’Europe portèrent, dit-on, sa tristesse jusqu’au désespoir. Le bruit courut qu’il avait attenté à ses jours. Ce bruit n’avait d’autre fondement qu’un accident qui lui arriva dans un violent accès de fièvre, dont il fut saisi à la vue de l’abîme qu’il n’avait pu fermer et dans lequel allaient en effet se perdre, avec la famille royale, les dernières espérances du parti constitutionnel.
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