Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui devait être immolée en châtiment de la royauté. Voilà le roi.


XII

La reine semblait avoir été créée par la nature pour contraster avec le roi, et pour attirer à jamais l’intérêt et la pitié des siècles sur un de ces drames d’État qui ne sont pas complets quand les infortunes d’une femme ne les achèvent pas. Fille de Marie-Thérèse, elle avait commencé sa vie dans les orages de la monarchie autrichienne. Elle était sœur de ces enfants que l’impératrice tenait par la main quand elle se présenta en suppliante devant les fidèles Hongrois, et que ces troupes s’écrièrent : « Mourons pour notre roi Marie-Thérèse ! » Sa fille aussi avait le cœur d’un roi. À son arrivée en France, sa beauté avait ébloui le royaume ; cette beauté était dans tout son éclat. Elle était grande, élancée, souple : une véritable fille du Tyrol. Les deux enfants qu’elle avait donnés au trône, loin de la flétrir, ajoutaient à l’impression de sa personne ce caractère de majesté maternelle qui sied si bien à la mère d’une nation. Le pressentiment de ses malheurs, le souvenir des scènes tragiques de Versailles, les inquiétudes de chaque jour, pâlissaient seulement un peu sa première fraîcheur. La dignité naturelle de son port n’enlevait rien à la grâce de ses mouvements ; son cou, bien détaché des épaules, avait ces magnifiques inflexions qui donnent tant d’expression aux attitudes. On sentait la femme sous la reine, la