Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/32

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conseils, et se contredisaient dans son oreille, comme leurs résultats se contredisaient dans ses actes. Ses ennemis lui suggéraient des concessions et lui promettaient une popularité qui s’enfuyait de leurs mains dès qu’ils voulaient la lui livrer. La cour lui prêchait la force qu’elle n’avait que dans ses rêves ; la reine, le courage qu’elle se sentait dans l’âme ; les intrigants, la corruption ; les timides, la fuite : il essayait tour à tour et tout à la fois tous ces partis. Aucun n’était efficace : le temps des résolutions utiles était passé. La crise était sans remède. Entre la vie et le trône il fallait choisir. En voulant tenter de conserver tous les deux, il était écrit qu’il perdrait l’un et l’autre.

Quand on se place par la pensée dans la situation de Louis XVI, et qu’on se demande quel est le conseil qui aurait pu le sauver, on cherche et on ne trouve pas. Il y a des circonstances qui enlacent tous les mouvements d’un homme dans un tel piége, que, quelque direction qu’il prenne, il tombe dans la fatalité de ses fautes ou dans celle de ses vertus. Louis XVI en était là. Toute la dépopularisation de la royauté en France, toutes les fautes des administrations précédentes, tous les vices des rois, toutes les hontes des cours, tous les griefs du peuple, avaient pour ainsi dire abouti sur sa tête et marqué son front innocent pour l’expiation de plusieurs siècles. Les époques ont leurs sacrifices, comme les religions. Quand elles veulent renouveler une institution qui ne leur va plus, elles entassent sur l’homme en qui cette institution se personnifie tout l’odieux et toute la condamnation de l’institution elle-même ; elles font de cet homme une victime qu’elles immolent au temps : Louis XVI était cette victime innocente, mais chargée de toutes les iniquités des trônes, et