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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/363

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plus simulé que sincère par la garde nationale. Elle voulut faire un dernier acte de force contre les factions en adhérant avec éclat aux pensées de son général. On lui vota une épée forgée avec le fer des verrous de la Bastille, et la statue en marbre de Washington. La Fayette se hâta de jouir de ce triomphe prématuré : il déposait la dictature au moment même où une dictature eût été le plus nécessaire à son pays. Rentré dans ses terres d’Auvergne, il y reçut la députation de la garde nationale qui lui apportait le procès-verbal de sa délibération. « Vous me voyez rendu aux lieux qui m’ont vu naître, leur dit-il ; je n’en sortirai que pour défendre ou consolider notre liberté commencée, si quelqu’un osait y porter atteinte. »

Les jugements divers des partis suivirent La Fayette dans sa retraite. « À présent, dit le Journal de la Révolution, que le héros des deux mondes a fini son rôle à Paris, il serait curieux de savoir si l’ex-général a fait plus de bien que de mal à la Révolution. Pour résoudre cette question, cherchons l’homme dans ses actes : on le verrait d’abord, le fondateur de la liberté américaine, n’oser en Europe se rendre au vœu du peuple qu’après en avoir demandé la permission au monarque : on le verrait pâlir au 5 octobre à la vue de l’armée parisienne en route pour Versailles, se ménageant le peuple et le roi ; disant à l’armée : « Je vous livre le roi ; » au roi : « Je vous amène mon armée. » On le verrait rentrer dans Paris traînant à sa suite, les mains liées derrière le dos, de braves citoyens dont tout le crime était d’avoir voulu faire du donjon de Vincennes ce qu’on avait fait de la Bastille : on le verrait, le lendemain de la journée des poignards, toucher cordialement la main de ceux-là mêmes qu’il avait dénoncés la veille à l’indignation