Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/65

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de ce qu’elle proclamait impérissable. Ses grandes voix qui avaient remué la France si longtemps étaient éteintes par la mort ou se taisaient par l’indifférence. Maury, Cazalès, Clermont-Tonnerre, semblaient se désintéresser d’un combat où l’honneur était sauvé, où la victoire était désormais impossible. De temps en temps seulement, quelques grands éclats de colère entre les partis interrompaient la monotonie habituelle des discussions théoriques. Telle fut la lutte du 10 juin, entre Cazalès et Robespierre, sur le licenciement des officiers de l’armée : « Que nous proposent les comités, s’écria Robespierre, de nous fier aux serments, à l’honneur des officiers, pour défendre la constitution qu’ils détestent ? De quel honneur veut-on nous parler ? Quel est cet honneur au-dessus de la vertu et de l’amour de son pays ? Je me fais gloire de ne pas croire à un pareil honneur. » Cazalès, officier lui-même, se leva indigné : « Je n’entendrai pas impunément ces lâches calomnies, » dit-il. À ces mots, de violents murmures s’élèvent à gauche ; des cris (À l’ordre ! à l’Abbaye ! à l’Abbaye !) éclataient dans les rangs des amis de la Révolution. « Eh quoi, répond l’orateur royaliste, n’est-ce point assez d’avoir contenu mon indignation en entendant accuser deux mille citoyens, qui, dans toutes les crises actuelles, ont donné l’exemple de la patience la plus héroïque ? J’ai entendu le préopinant, parce que je suis, je le déclare, partisan de la liberté la plus illimitée des opinions ; mais il est au-dessus du pouvoir humain de m’empêcher de traiter ces diatribes avec le mépris qu’elles méritent. Si vous adoptez le licenciement qu’on vous propose, vous n’avez plus d’armée, nos frontières sont livrées à l’invasion de l’ennemi, et l’intérieur aux excès et au pillage d’une soldatesque effrénée ! » Ces paroles