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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/98

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XIV

La petite ville de Varennes est formée de deux quartiers distincts, ville haute et ville basse, séparés par une rivière et un pont : M. de Goguelat avait placé le relais dans la ville basse, de l’autre côté du pont. La mesure en elle-même était prudente, puisqu’elle faisait traverser aux voitures le défilé du pont avec les chevaux lancés de Clermont, et qu’en cas d’émotion populaire le changement des chevaux et le départ étaient plus faciles une fois le pont franchi. Mais il fallait que le roi en fût averti : il ne l’était pas. Le roi et la reine, vivement agités, descendent eux-mêmes de voiture et errent une demi-heure dans les rues désertes de la ville haute, cherchant à découvrir le relais. Ils frappent aux portes des maisons où ils voient des lumières, ils interrogent : on ne les comprend pas. Ils reviennent enfin découragés rejoindre les voitures, que les postillons impatientés menacent de dételer et d’abandonner. À force d’instances, d’or et de promesses, ils décident ces hommes à remonter à cheval et à passer outre. Les voitures repartent. Les voyageurs se rassurent : ils attribuent cet accident à un malentendu et se voient en espoir dans quelques minutes au milieu du camp de M. de Bouillé. La ville haute est traversée sans obstacle. Les maisons fermées reposent dans le calme le plus trompeur. Quelques hommes seulement veillent, et ces hommes sont cachés et silencieux.