Page:Lamartine - Cours familier de littérature, un entretien par mois, 1858.djvu/32

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Ils sont passés ces jours dont tu dois être fier ;
C’était un autre siècle et pourtant c’est hier !
Les regretterais-tu ? Pour bêcher plus à l’aise,
Il fait bien moins de vent au pied de la falaise ;
Heureux qui du gros temps, où sombra son bateau,
A sauvé comme toi sa bêche et son râteau !
Quand l’homme se resserre à sa juste mesure,
Un coin d’ombre pour lui c’est toute la nature ;
L’orateur du Forum, le poète badin,
Horace et Cicéron, qu’aimaient-ils ? un jardin :
L’un à Tibur trempé des grottes de Neptune,
L’autre en son Tusculum plein d’échos de tribune.
Un jardin qu’en cent pas l’homme peut parcourir,
Va ! c’est assez pour vivre et même pour mourir !

J’ai toujours envié la mort de ce grand homme,
Esprit athénien dans un consul de Rome,
Doué de tous les dons parfaits, quoique divers,
Fulminant dans sa prose et rêveur dans ses vers,
Cicéron en un mot, âme encyclopédique,
Digne de gouverner la saine république,
Si Rome, riche en maître et pauvre en citoyen,
Avait pu supporter l’œil d’un homme de bien !
Peut-être sous César trop souple au diadème,
Mais par pitié pour Rome et non pas pour lui-même !