Aller au contenu

Page:Lamartine - Cours familier de littérature, un entretien par mois, 1858.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la hauteur du flux fit monter ton courage,
Prompt à tout, prêt à tout, à la mort, à l’exil,
Quand il fallait conduire un peuple avec un fil,
Et que tu traversais la grande Olympiade,
Aristippe masqué du front d’Alcibiade ?
As-tu donc oublié comme au fort du péril
Ton cœur en éclatant répondait au fusil ?
Ah ! je m’en souviens, moi ! Je crois te voir encore
A l’heure où sur Paris montait la rouge aurore,
Quand ma lampe jetait sa dernière lueur,
Et qu’un bain de ma veille étanchait la sueur ;
Tu t’asseyais tranquille au bord de ma baignoire,
Le front pâle et pourtant illuminé d’histoire ;
Tu me parlais de Rome un Tacite à la main,
Des victoires d’hier, des dangers de demain,
Des citoyens tremblants, de l’aube prête à naître,
Des excès, des dégoûts et de la soif d’un maître,
Du défilé terrible à passer sans clarté,
Pont sur le feu qui mène au ciel de Liberté !
Tu regardais la peur en face, en homme libre,
Et ta haute raison rendait plus d’équilibre
À mon esprit frappé de tes grands à-propos
Que le bain n’en rendait à mes membres dispos !
J’appris à t’estimer, non au vain poids d’un livre,
Mais au poids d’un grand cœur qui sait mourir ou vivre.