Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/12

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de verre remplace le volet de bois noir ou le châssis de papier, et brille aux petites fenêtres entre les tiges d’or des giroflées. À droite du village et à quelque distance, un mamelon de sable rouge s’élève au bord de l’eau, au milieu des prés. L’industrie du meunier a profité de cet obstacle naturel pour opposer une digue au ruisseau et pour construire une écluse. Le moulin a pris de lui-même une forme plus paysagesque que celle qui lui eût été donnée par le pinceau capricieux d’un Salvator Rosa.

La nature est un grand artiste quand on la laisse conformer elle-même ses moyens à son but. Ce moulin en est la preuve. Je ne passe jamais par ce village sans admirer cette combinaison irréfléchie, qui fait de cette construction du hasard un modèle de pittoresque raisonné. Ainsi, l’hiver la rivière déborde et noie les prés ; il a fallu bâtir la maison au-dessus de ces débordements ; elle s’est assise par nécessité sur le rocher d’où elle voit et d’où elle est vue. Il a fallu que le courant de l’écluse tombât sur les palettes de la roue du moulin pour faire mouvoir la meule. La maison a dû tourner un de ses flancs à la rivière pour tendre sa roue à l’eau ; l’écluse à mi-côte, l’eau qui s’en échappe en faisant cascade con-