Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/185

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les buissons. Quelquefois nous nous tenions les deux mains par le bout des doigts et nous marchions sans nous rien dire, comme deux enfants qui reviennent de l’école. Voilà ce qu’on appelle se parler, comme je vous ai dit, chez nous.

IV.

Le plus souvent, nous nous asseyions, à l’écart des autres, sur les roches où la mousse chaude jaunissait au soleil, là, au bord du ravin profond dont nous écoutions l’eau chanter au fond sur les pierres, hélas ! comme elle chante encore à présent, monsieur. Ça nous faisait rêver, disait Denise à ma mère. Le soleil au milieu du ciel là-haut, la nuit sombre là-bas, au fond, sous nos pieds, dans le ravin ; le bord de l’abîme sur lequel penchaient ces branches d’arbre qui semblaient vouloir regarder dedans, comme si leurs feuilles avaient eu des yeux ; les merles qui partaient des nids avec un bruit qui fait peur aux filles ; les pinsons qui ramageaient sur le cerisier, ou les alouettes dans le bleu de l’air ; les lézards qui nous regardaient sur les rochers ; le bruit