Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/258

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j’avais peur de l’apprendre. Je sais bien que c’est une contradiction, mais c’est comme ça. Est-ce que vous n’avez pas senti quelquefois que l’homme était, pour ainsi parler, double, et que, pendant que l’un désirait une chose, l’autre craignait en lui-même ? Donc, pas un mot des Huttes n’était venu à moi depuis si longtemps, et pas un mot de moi n’était arrivé aux Huttes. C’était pour moi comme un autre monde où j’aurais vécu avant la mort, et que je ne reverrais jamais qu’après ma résurrection.

X.

Mais, depuis que je m’étais laissé entraîner par moi même, et comme malgré moi, à revenir si près, et depuis que je mesurais des yeux, tout le jour, le nombre de pas que j’avais seulement à faire pour arriver à ces montagnes et pour revoir la famille, je n’étais plus si maître de mes jambes ni de ma volonté. J’étais quelquefois comme fou de désir, monsieur ; mon cœur battait comme s’il avait voulu s’échapper de ma veste et aller sans moi là-bas.

Je ne dormais plus, ou je dormais quasi éveillé,