Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/293

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XIV.

Trois ans passèrent comme ça, et Denise eut d’abord sa fille, puis son garçon. Il semblait que ça devait mettre du bonheur de plus à la maison. Eh bien non, ça ne fut pas comme je croyais.

Voilà qu’un soir qu’on parlait de toi dans le pays, un garçon de Saint-Point revenant de l’armée passa aux Huttes, rencontra l’aveugle sur le pas de la porte, et lui dit : — Je reviens de Toulon sur mer ; ton frère Claude travaille au chantier du fort, mais il ne travaillera pas longtemps, le malheureux ses camarades disent qu’il a le chagrin au cœur, qu’il ne veut ni se divertir, ni boire, ni rire avec eux, qu’il est plus sec que son marteau et plus maigre que sa scie, et qu’il ne passera pas l’hiver en vie. Il vient de partir. On ne sait pas pour quel autre chantier. Je n’ai pas pu le trouver pour lui demander ses commissions pour le pays.

Ce pauvre soldat ne savait pas le mal qu’il faisait. Ça fut le coup de mort pour l’aveugle. Denise, qui était dans le fond de la maison à donner le sein à sa