Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/294

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petite, avait tout entendu aussi elle ne fit semblant de rien, mais ça lui tourna son lait tellement que nous fûmes obligés de faire nourrir la petite par une de nos chèvres.

Quant à l’aveugle, il jeta un cri et se battit le front avec les deux mains, comme s’il avait vu, pour la première fois, un éclair du bon Dieu. Ah ! j’ai tué mon frère ! qu’il me dit le soir tout bas en rentrant ; c’est mon bonheur qui lui coûte le sien : je ne puis plus vivre !

XV.

Depuis ce jour il n’eut plus un moment de paix ; Denise elle-même n’en pouvait obtenir un mot de consolation. Sa voix même, autrefois si nécessaire à son oreille, semblait lui faire mal. Il ne dormait plus, il ne mangeait plus de bon cœur, il ne voulait plus que les enfants ni Denise restassent auprès de lui dans la cour ou dans la maison. Il alla coucher tout seul avec les moutons dans l’écurie. Il ne voulait pas même de moi pour le consoler. Il me disait : C’est vous qui les avez sacrifiés pour mon bonheur,