Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II.

Je reconnaissais bien les arbres, les sources sous les cressons et sous les pervenches, les mousses même sur les larges pierres grises qui sortent comme des ossements de la terre du lit des genêts mais les cabanes n’existaient plus. Je n’apercevais de loin, à leur place, que deux morceaux de pierraille écroulés. Quelques ronces aux fruits noirs rampaient au-dessus. Un vieux sureau, qu’on appelle soyer dans le pays, arbre domestique qui s’attache de lui même à la demeure de l’homme, comme la mauve et l’ortie s’attachent à la tombe dans les cimetières, semait sa fleur sur des tuiles brisées. Un magnifique houx se cramponnait par ses bras tortueux aux débris d’un mur percé d’une fenêtre sur le ciel, arbre vigoureux et immortel, dont la sève bout sous la neige et dont l’écorce toujours verte et les feuilles vernissées comme le cuir semblent survivre aux siècles et prendre en pitié les fugitives générations humaines qui passent et qui se couchent à ses pieds.