Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/46

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Ce spectacle m’attrista ; mais j’y suis accoutumé. Je cherchai de l’œil le sentier glissant dans le creux du ravin, sur le bord d’un filet d’eau suée par le granit, et qui conduisait jadis à la troisième cabane. Je le découvris sous les feuilles sèches du dernier hiver, que les vents tièdes du printemps avaient roulées sur les pentes du ravin, et j’y marchai quelque temps au bruit de l’eau égouttée plus que versée par la cascade.

III.

Le ravin, d’abord plein d’humidité et de nuit, serpentait tantôt étroit, tantôt large, entre deux parois de granit décomposé qui fondait en sable de différentes couleurs, rouge, jaune-gris, verdâtre comme ces galets de vert antique qu’on trouve dans les sables de la mer de Syrie. Des troncs de cerisiers sauvages, de platanes dentelés et de mélèzes, arbres durs au froid, s’y penchaient l’un vers l’autre des deux bords supérieurs de la gorge, et formaient, en s’entrelaçant au-dessus, une haute voûte de feuillages immobiles. Les pas y résonnaient comme sous une nef de cathédrale. Un doux frisson courait sur