Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/96

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dans la maison, ils dormiront cette nuit, ils mangeront ce soir, ils coucheront à l’abri avant l’hiver ! Et j’y vais, monsieur, et rien que de me voir me mettre à l’ouvrage sans leur rien dire souvent, ça les console, ça les réjouit, ils viennent me voir travailler, ils s’assoient au bord de la carrière ou du chantier. Les enfants jouent avec mes outils ou avec mon chien quand il m’a suivi. Ils pensent : — La Providence ne nous a pas abandonnés, Claude a su notre malheur ; le pauvre garçon, il ne peut pas grand chose ; mais il fait le peu dont il est capable. — Ça leur rend le cœur plus léger, de ce qu’un voisin porte une part de leur mal. Et moi, monsieur, l’idée que ça les soulage me rend le marteau plus léger dans la main ; et le soir, quand je remonte ici à la nuit close et que je me dis Claude, qu’as-tu gagné aujourd’hui ? je me réponds : J’ai gagné une bonne journée, car les pauvres gens me la payent en amitié, mon cœur me la paye en contentement, et le bon Dieu me la payera en miséricorde ! N’est-il pas vrai, monsieur, que ça vaut bien une pièce de trente sous qui leur ferait de la peine à donner et à moi à recevoir ? Il y aura, que je me dis en m’endormant, un chagrin de moins cette nuit dans les hameaux.