Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/31

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Qui peut entre nous deux mesurer la distance ?
Moi, qui respire en toi ma rapide existence,
A l’insu de moi-même à ton gré façonné,
Que me dois-tu, Seigneur, quand je ne suis pas né ?
Rien avant, rien après : Gloire à la fin suprême :
Qui tira tout de soi se doit tout à soi-même !
Jouis, grand artisan, de l’œuvre de tes mains :
Je suis, pour accomplir tes ordres souverains,
Dispose, ordonne, agis ; dans les temps, dans l’espace,
Marque-moi pour ta gloire et mon jour et ma place ;
Mon être, sans se plaindre, et sans t’interroger,
De soi-même, en silence, accourra s’y ranger.
Comme ces globes d’or qui dans les champs du vide
Suivent avec amour ton ombre qui les guide,
Noyé dans la lumière, ou perdu dans la nuit,
Je marcherai comme eux où ton doigt me conduit ;
Soit que choisi par toi pour éclairer les mondes,
Réfléchissant sur eux les feux dont tu m’inondes,
Je m’élance entouré d’esclaves radieux,
Et franchisse d’un pas tout l’abîme des cieux ;
Soit que, me reléguant loin, bien loin de ta vue,
Tu ne fasses de moi, créature inconnue,
Qu’un atome oublié sur les bords du néant,
Ou qu’un grain de poussière emporté par le vent,
Glorieux de mon sort, puisqu’il est ton ouvrage,
J’irai, j’irai par-tout te rendre un même hommage,
Et, d’un égal amour accomplissant ma loi,
Jusqu’aux bords du néant murmurer : Gloire à toi !