cris de la douleur. Pour soigner des blessés,
pour leur être bienfaisant, il est nécessaire d’affermir son âme contre l’émotion de la souffrance d’autrui. Nous choisissions du linge pour les
pansements ; une cloison de bois, ouverte par
le haut, nous séparait de la salle d’opération ;
on amputait deux jambes, celle d’un homme
chloroformé et celle d’un homme qui n’avait pas
voulu se laisser endormir. Leurs cris étaient de
nature différente, intermittents, et dominés par la
voix des canons du mont Valérien. Dans ce palais,
où tous les peuples avaient célébré la fraternité
universelle, c’était tragique dans le sens le plus
lugubre et le plus désespéré du mot. Les cris
de l’homme endormi, cris de brute, inconscients,
caverneux, traînants, sauvages, me bouleversaient bien autrement que les cris aigus, brusques, déchirants du soldat éveillé.
Je traversai la grande salle des blessés pour me rendre chez la présidente. Je vis alors Mme X…, l’une des femmes les plus en réputation à la cour d’Eugénie, sans fard, mal mise avec excès. J’éprouvai une répulsion invincible,