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était allé bûcher sa provision de bois de chauffage pour le prochain hiver, Madeleine, restée seule à la maison, préparait le repas de son Pierre, qui reviendrait vers les quatre heures de l’après-midi. Tout en remplissant ses devoirs de maîtresse de maison, Madeleine jetait souvent ses regards dans la direction d’une chambre attenante à la cuisine. Dans cette chambre, il y avait une énorme quantité de laine fraîchement tondue. Pierre, avant de partir le matin, lui avait fortement recommandé de se débarrasser de ce travail aussitôt que possible. Ah ! murmurait-elle, quelle triste chose que d’être obligée de carder et de filer tous les jours de l’année ! Pierre ne songe qu’à économiser pour nos vieux jours, comme si nous étions pauvres. Nous n’avons pas d’enfants ; à qui donc vont aller tous nos biens. Ah ! si du moins je pouvais me faire aider, mais Pierre ne l’entend pas ainsi, l’imbécile ! et Madeleine, rongée et tenaillée par le désir de l’oisiveté, murmurait des propos acerbes contre son mari ; de dépit elle passa à la colère outrée, invectiva outrageusement le mari absent, se laissa emporter dans un grand découragement, et aveuglée par la colère, elle s’oublia jusqu’à demander au diable de venir lui aider, de la débarrasser de son ouvrage.

À peine avait-elle formulé son coupable désir, que le sable de l’allée, près de la maison, cria sous les pas de quelqu’un qui s’approchait. Presque aussitôt, on frappa des coups secs à la porte. Entrez, dit Madeleine, cherchant à se remettre de son trouble. La porte s’ouvre, et un homme à l’aspect étrange fait son apparition. Ses yeux étaient noirs et perçants, ses