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« Ah ! tu n’as pas réussi, vociféra l’oncle en vomissant des imprécations, irrité, agité qu’il était par l’abus des boissons alcooliques. « Eh ! mon argent que j’ai dépensé pour mon voyage et le violon ! Attends ! » et s’emparant d’une canne plombée, il se jette sur le diable et frappe à coups redoublés. Celui-ci cherche à se défendre du mieux qu’il peut. Il y eut prise de corps terrible et lorsqu’ils se dégagèrent, le diable s’enfuit avec une petite pointe de corne enfoncée dans la tête, sa houppe à demie arrachée et en plus il lui manquait deux griffes aux pattes de devant.

L’oncle se releva avec un œil au beurre noir et une éraflure dans le creux de l’estomac qui le brûlait d’un feu comme en éprouvent les damnés. Il mourut peu de temps après, dans de terribles souffrances, causées par ce feu dévorant.

Quant à l’enfant, orgueil de ses parents, beau comme un cœur, avec ses grands yeux bleus et sa chevelure blonde ondulée, il continua à cultiver les belles qualités de respect et d’amour pour ses parents, d’empressement à se mettre au service de l’église, à prier toujours et partout : suprême moyen d’éloigner le démon et les hommes tarés qui lui ressemblent. Pour le violon oublié, il le relégua dans un coin obscur, chaque fois qu’il avait voulu jouer un cantique ou une prière chantée, les derniers sons finissaient toujours comme dans un air de lamentations, écho malin de son attouchement par l’esprit du mal.