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JOURNAL D’UN BIBLIOPHILE

Dans ce temps-là, comme avant et après, nombreuses étaient les familles de cultivateurs de la province de Québec qui abandonnaient leurs terres pour venir demeurer dans les villes des États de la Nouvelle-Angleterre.

Dans toutes ces familles d’émigrés, il était assez rare qu’on ne pût trouver quelques livres et même de très beaux livres canadiens qu’on laissait, le plus souvent, dans les mains des jeunes enfants.

À la vue de ces volumes voués à la perdition, mes instincts et mes désirs de posséder revinrent petit à petit s’emparer de ma personne.

Souvent, pour quelques sous donnés aux enfants, avec le consentement des parents, je devenais acquéreur de ces vieux livres voués à la destruction.

Souvent aussi, on me les donnait en disant : « Emportez-les, ce n’est que du papier pour salir la place que je serai obligé de balayer et de jeter au feu quelqu’un de ces jours. »

Vers 1899, j’entrai dans le commerce du thé et du café et j’allais, tous les jours, par les maisons, faire la livraison de ces produits.

C’était une belle journée de printemps. Portes et fenêtres étaient entr’ouvertes, car une douce brise chaude et reposante se faisait sentir.

J’arrivai chez une dame René. Elle était en train de faire son grand ménage du printemps et


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