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JOURNAL D’UN BIBLIOPHILE

l’aigreur, car je m’étais rendu compte, déjà, du peu de cas que la plupart des vieux Canadiens attachaient aux vieux papiers, en ayant moi-même amassé de si précieux dans mes tournées journalières, chez des gens indifférents.

* * *

C’était sur la fin du jour, à la brune, entre chien et loup, selon une expression populaire. Je pressais le pas pour arriver chez moi, lorsque, parvenant au coin d’une ruelle, je bousculai un homme qui en sortait au pas de course.

Cet homme avait les bras remplis de livres et la brusque rencontre inattendue lui en fit échapper quelques-uns par terre.

J’étais partie en cause et je m’empressai de lui aider à les ramasser. J’allais continuer mon chemin quand, soudain, le particulier, me saisissant la main, s’écrie :

— Tiens ! Mon ami Chapdelaine ! Comment ça va ?

Interdit d’abord, je me mis à rire et répondis sur le même ton :

— Tiens ! C’est Monsieur Tranchemontagne ! Ça va très bien ! Merci !

Il recula d’un pas, me regarda fixement et dit :

— Vous faites erreur, Monsieur ! Mon nom n’est pas Tranchemontagne !


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