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LAIDE

sembla que, la couvant tout entière, elle l’étreignait enfin, la possédait mieux et l’aimait davantage.

La nourrice, humant l’air, babillant comme un oiseau échappé de sa prison, ivre de grand soleil, parlait haut à son fils pour dominer le bruit des roues sur le pavé. Elle nommait un à un tous les arbres, s’extasiait sur toutes les choses vivantes, verdoyantes et fleuries, qu’on rencontre dans la campagne. L’oreille inattentive d’Hélène entendit l’hymne joyeux de Joséphine, les réponses brèves et charmées de son fils. Tandis que ses yeux erraient sur l’immense tableau de Paris, elle fut pour ainsi dire préparée par un boniment habile à le voir disparaître et à le voir remplacé.

— Césaire, te souviens-tu, mon garçon, du temps où ta mère était paysanne ? Tu étais toi-même un beau petit paysan. On te mesura un jour à nos seigles mûrs ; les épis te dépassaient. En levant le nez, en te haussant sur les talons de tes sabots, tu atteignis la barbe du seigle. Tu