Page:Lambert - Rencontres et entretiens, 1918.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
RENCONTRES ET ENTRETIENS

pendant un long mois elle souffrit des effets de cette rencontre fâcheuse. « À mesure que l’hiver avançait, mon père prenait du mieux : sa robuste constitution reprit bientôt le dessus, et vers le temps des semences, il était complètement rétabli. Un jour, il annonça le retour à notre maison, disant qu’il pouvait sans danger se mettre au travail. La veille du départ, je ressentis encore cette douleur dans le côté droit ; de plus, ma mère, en me changeant d’habit, s’aperçut que de mon côté sortait une eau roussâtre. À cette vue, elle supplia, mais en vain, mon père de remettre notre voyage, mais il refusa. « Non, répondit-il avec des éclairs dans les yeux, je suis décidé de partir, et malheur à ceux qui se trouveront sur mon chemin. » Larmes et prières, rien n’y fit. C’était par une belle journée de juin, il faisait une chaleur plus qu’ordinaire pour ce temps de l’année. Nous arrivâmes aux carrières tant redoutées, vers la demi-heure du midi. Nous vîmes à une faible distance du chemin quatre hommes couchés à l’ombre d’une touffe de petits sapins.

Mon père arrêta le cheval et, remettant les rênes à ma mère, il lui dit : « S’il m’arrive malheur, vous vous sauverez. » Ma mère, connaissant les mauvaises colères de mon père,