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Page:Lambert - Rencontres et entretiens, 1918.djvu/46

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RENCONTRES ET ENTRETIENS

Il y a parler et parler, et le père Millette en avait long à dire. À l’entendre, on aurait juré que sa langue avait fait carême durant des années. Vrai moulin à paroles, il passait d’un sujet à un autre avec une facilité étonnante ; et vous dire tout ce qui sortit de ses lèvres est chose impossible. Pour moi, ma tâche était des plus faciles. Me gardant bien d’interrompre l’intarissable vieillard, je me contentais d’approuver de la tête ; puisque cela lui faisait plaisir, j’étais satisfait de l’écouter.

Du verbiage ininterrompu du père Millette, j’ai conservé dans ma mémoire quelques bribes sur les gens de son village au Canada : des fainéants, des paresseux, trop lâches pour travailler et gagner honnêtement leur vie ; des mal appris qui vivaient en empruntant ici et là, chez les habitants.

Sacréyer ! était l’expression favorite du vieillard, elle lui servait à rattacher un sujet à un autre, mais je laisse le père Millette poursuivre.

« Sacreyer ! oui, monsieur, j’avais la plus belle terre de la paroisse, sur laquelle poussaient le blé et l’avoine, à pleine clôture. Malheureusement elle était trop près du village. Aussi, les gens venaient-ils presqu’à la queue-leu-leu à la maison pour emprunter, qui une bêche, qui un