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UNE FÊTE SAINT-JEAN-BAPTISTE

sûrement douteuse et laisserait beaucoup à désirer, que nous serions sages de n’en point prendre, et patati, patata. Or j’ai guetté du coin de l’œil ce farceur de Rabouin ; j’ai constaté qu’il a vidé son verre avec la plus évidente satisfaction et jusqu’à la dernière goutte. J’en ai conclu que monsieur Rabouin en méprisant votre délicieuse liqueur, a voulu exploiter notre crédulité, nous sevrer d’un nectar sans pareil, pendant que lui-même viderait consciencieusement son verre et jouirait de notre privation. »

« Monsieur Matte, rétorqua Charles Rabouin, en rougissant un peu, monsieur Matte, n’en croyez rien. Mon ami Robert est un excellent garçon en apparence, mais il est prudent de s’en méfier, car à l’heure qu’on s’y attend le moins il est capable de vous faire pendre. »

À cette réplique l’hilarité devint générale. On riait, comme savent rire de bons Canadiens, de tout cœur.

M’étant levé de table un des premiers, j’étais allé m’asseoir un peu à l’écart.

Le père Millette debout avec les autres convives essayait en vain de placer son mot.

En désespoir de cause, voyant une chaise inoccupée près de moi, il vint y prendre place et, sans plus de cérémonie, engagea l’entretien.