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Page:Lambert - Rencontres et entretiens, 1918.djvu/64

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RENCONTRES ET ENTRETIENS

qui s’était opéré en sa personne. Lui, que j’avais connu si gai, qui aimait tant à rire, était tout autre à présent. J’attribuai cela à ses nombreuses occupations, aux soucis de pourvoir aux soins de sa famille, car comme je l’ai dit, il était père de plusieurs enfants, tous encore trop jeunes pour pouvoir lui venir en aide.

Il avait bien, par-ci, par-là, quelques exclamations joyeuses et des velléités de rire, mais c’était pour retomber l’instant d’après dans un mutisme déconcertant.

À la fin, je crus pouvoir en badinant, lui faire une petite remarque, et lui dire qu’il avait beaucoup perdu de sa gaieté d’autrefois. Je croyais que notre longue amitié, de vieille date, m’autorisait jusqu’à un certain point à lui demander avec beaucoup d’égards les raisons qui avaient pu amener ce changement.

Je n’aurais pas aimé voir mon vieil ami dans le malheur.

— Je n’ai rien, commença-t-il par me dire, si ce n’est que le travail journalier et assidu me rend las et fatigué. Le milieu où je travaille, aussi, a une certaine influence sur moi. Et, ajouta-t-il, le souci de l’avenir de mes enfants doit y être pour beaucoup, car je pense toujours revoir, un jour ou l’autre, la terre du Canada.