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RENCONTRES ET ENTRETIENS

Les rivières et les lacs étaient de nouveau débarrassés de leurs épaisses couches de glace. Les bourgeons partout verdissaient aux arbres. Dans ma maison aussi, on goûtait la joie du renouveau. Quoique déjà le père de six enfants, un septième n’était pas de trop. C’était un garçon.

Le soir de cet heureux jour arrivé je n’eus rien de plus pressé que d’aller demander au père Jean de bien vouloir servir de parrain à l’enfant. Quoique parmi nous ce soit un honneur d’être demandé pour être parrain, le père Jean refusa, à ma grande surprise.

J’insistai tellement, toutefois, qu’à la fin, il ne put refuser plus longtemps, mais il me dit :

« J’accepte… mais ton enfant ne vivra pas au-delà de deux ans… car je suis un parrain de malheur. Tous mes filleuls sont morts. Je t’avertis donc ; pas de reproches de toi, plus tard. »

Tu sais, ajouta mon ami, que je suis incrédule à l’extrême sur cette question que l’on nomme superstition de nos vieux. Ce n’est pas cela qui me préoccupe le plus. Pourtant c’est singulier tout de même, je ne puis croire qu’il n’y ait quelque chose de mystérieux dans tout ce qui m’est arrivé.