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du maître du hâvre, distinguent sans difficulté, à la distance de la portée d’un fusil, par la seule odeur, un vaisseau chargé d’émigrés, soit que le vent soit favorable, soit qu’il fasse un grand calme. J’ai connaissance qu’il est arrivé 30 à 40 cas de mort causés par la fièvre typhoïde, dans le cours d’un voyage, à bord d’un vaisseau qui contenait 500 à 600 passagers ; et durant les six semaines après l’arrivée de certains vaisseaux, et le débarquement des passagers à Québec, l’hôpital a reçu plus de 100 malades d’entre eux, en différentes fois. Dans une occasion j’ai vu près de 400 malades en même temps dans l’hôpital des émigrés à Québec, pour lesquels il ne se trouvait pas de logement suffisant, et, afin de leur donner quelque abri, le Dr. Painchaud, alors médecin-visiteur, avec l’aide d’autres médecins, contracta personnellement à la Banque de Quebec une dette d’un montant considérable, qui fut, toutefois, payée ensuite par la législature provinciale…

« Dans ce temps la mortalité fut considérable parmi les émigrés et fut accompagnée des conséquences les plus désastreuses ; les enfants étaient laissés sans protection, et à la merci de la charité des habitants de la cité. Quant à ceux qui n’étaient pas malades à leur arrivée, j’ai à dire qu’ils étaient généralement débarqués de force par les maîtres des vaisseaux, sans un chelin dans leurs poches pour se procurer le logement pour la nuit, et un petit nombre d’entre eux avaient à peine les moyens de se nourrir pendant quelques jours et mangeaient près des quais, aux différentes places de débarquement, et s’entassaient sous les abris qu’ils pouvaient trouver, où ils subsistaient généralement par la charité des habitants. Pendant six semaines, à compter du commencement de l’arrivée des premiers vaisseaux avec des émigrés, j’ai vu les rivages près de Québec, à une distance d’environ un mille et demi, couverts de ces malheureux ; les places de ceux qui partaient étaient immédiatement reprises par les nouveaux arrivés, et de 10 à 30 étaient journellement envoyés à l’hôpital, affectés de maladies contagieuses. La conséquence fut que ces maladies se répandirent parmi les citoyens des villes, particulièrement dans les quartiers où ces malheureux s’étaient établis. Ceux qui n’étaient entièrement dépourvus d’argent se logeaient dans des tavernes et de mauvaises maisons de pension et dans des caves, où ils se réunissaient en grand nombre, et où ils n’étaient pas mieux que dans le vaisseau. Cet état de choses exista à ma connaissance depuis 1826 jusqu’à 1832, et probablement pendant plusieurs années avant cette époque. »

Le témoignage du Dr. Morrin est corroboré par celui du Dr.