Page:Lambton - Rapport de Lord Durham.djvu/52

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convainc que la Colonie a lieu de se féliciter de l’existence d’une institution qui possédait et exerçait le pouvoir d’arrêter le cours d’une législation qui, si elle eût prévalu, aurait sacrifié tous les intérêts britanniques, et détruit toute garantie d’ordre et de liberté nationale. Il n’est pas difficile pour nous de juger ainsi avec calme des mérites respectifs de ces partis éloignés ; mais il a fallu un grand et très profond respect pour la constitution et la composition du Conseil législatif, pour que les représentants d’une grande majorité se soient ainsi soumis avec patience aux entraves que quelques individus plaçaient dans leur voie. Mais le Conseil législatif était loin d’être sans objection en théorie, et ne commandait pas non plus l’estime personnelle de l’Assemblée ; son opposition à ce corps ne parut qu’une autre forme d’hostilité officielle, et il était inévitable que l’Assemblée fît, tôt ou tard, contre la constitution du Conseil Législatif ces attaques, qui par le singulier manque de jugement et de modération avec lesquelles elles ont été conduites, finirent par la destruction de la constitution provinciale.

Depuis le commencement, donc, jusqu’à la fin des disputes qui distinguent toute l’histoire parlementaire du Bas-Canada, je considère la conduite de l’Assemblée comme une guerre constante avec l’Exécutif, pour obtenir les pouvoirs inhérents à un corps représentatif, d’après la nature même du gouvernement représentatif. Ce fut pour parvenir à cette fin qu’elle usa de tous les pouvoirs à sa disposition ; mais elle mérite le blâme pour avoir, dans la poursuite de cet objet, perverti ses pouvoirs de législation, et jeté le trouble dans toute l’opération de la constitution. Elle subordonna l’affaire de la législation et l’amélioration pratique du pays à sa lutte pour le pouvoir ; et, se voyant dénier ses privilèges légitimés, elle s’efforça d’étendre son autorité par des votes tout-à-fait incompatibles avec les principes de la liberté constitutionnelle.

Une tentative frappante qui fut faite directement et ouvertement pour renverser la constitution du pays, fut la passation d’un bill pour la révocation formelle des parties de la 31e Geo. III, chapitre 31. communément appelé l’Acte Constitutionnel, par lesquelles les pouvoirs et la constitution du Conseil législatif étaient établis. On peut à peine supposer que les rédacteurs de ce bill ignorastent, ou espérassent voiler l’illégalité évidente d’une mesure qui, commençant comme tous les Actes canadiens, par la citation de la 31e Geo. III, comme le fondement de l’autorité législative de l’Assemblée, procédait immédiatement à enfreindre quelques-unes des plus importantes dispositions de ce statut ; pas plus qu’on ne peut supposer que l’Assemblée espérât réellement effectuer cette assomption extraordinaire de pouvoir, en autant que le bill ne pouvait produire aucun effet légal de sa passation dans la chambre basse, s’il ne recevait subséquemment l’assentiment du corps même qu’il avait pour objet d’anéantir.

Un moyen plus dangereux, en ce qu’il était plus effectif, jusqu’à un certain point, pour s’arroger des pouvoirs constitutionnels fut adopté par l’assemblée dans ses tentatives d’évader la nécessité d’obtenir l’assentiment des autres branches de la Législature, en réclamant la force